Lors de leur Conférence du 22 février 2014, les Femmes socialistes suisses ont décidé, de répondre négativement à la consultation sur la réforme « Prévoyance vieillesse 2020 ». Pour mémoire, le Conseil fédéral entend épargner 1 milliard de francs en relevant l’âge de la retraite des femmes et augmenter le taux de conversion. A ceci s’ajoute 100millions d’économie sur les rentes de veuves. Pour les Femmes socialistes, investir 390 millions de francs dans des mesures de transition destinées à permettre aux revenus modestes de prendre une retraite anticipée est une compensation loin d’être suffisante. Le salaire et l’accès à un travail rémunéré influent directement sur les rentes. Raison pour laquelle il convient d’abord de parvenir à l‘égalité salariale et à concilier vie familiale et professionnelle avant de pouvoir envisager de relever l’âge de la retraite des femmes.
C’est avec plaisir que nous participons à la procédure de consultation du rapport du 20 novembre 2013 du Conseil fédéral concernant la réforme de la prévoyance vieillesse de 2020. Nous nous exprimerons surtout sur les aspects de ce projet de réforme qui touchent à l’égalité des sexes, mais donnerons également notre avis sur certaines propositions qui auront une répercussion sur la situation des hommes et des femmes.
Pour commencer, nous saluons la démarche du Conseil fédéral qui a conçu ce projet de réforme sur la base d’une vision globale de la prévoyance vieillesse.
La méthode (réforme des 1er et 2e piliers), qui doit permettre notamment d’avoir une vision d’ensemble et de rediscuter l’équilibre AVS/LPP, le niveau des rentes, et le but à atteindre, doit absolument être soutenue.
Notre postulat de base est le suivant : le système de retraites devrait couvrir tout le monde de la même manière et ne pas favoriser un sexe au détriment d’un autre. Il devrait également garantir l’indépendance économique de chacun, femme ou homme. Le montant des rentes est défini en fonction de l’accès à une activité rémunérée, et là non plus, il ne doit pas y avoir de discrimination sexuelle.
Le Département fédéral de l'intérieur (DFI) met en œuvre le « Programme national de prévention et de lutte contre la pauvreté » sur la période 2014 - 2018, en collaboration avec les cantons, les villes, les communes et des intervenants privés. Les mesures prises dans cette révision doivent non seulement respecter l’égalité entre les femmes et les hommes, mais également renforcer la prévention et la lutte contre la pauvreté.
1. L’âge de la retraite des femmes
Les Femmes socialistes suisses refusent le relèvement de l’âge de la retraite des femmes sans mesures de compensation significatives et concrètes. Pas de relèvement sans mise en œuvre de l’égalité salariale, ni sans renforcement du 1er pilier. Le montant des rentes est défini en fonction de l’accès à une activité rémunérée, et là non plus, il ne doit pas y avoir de discrimination sexuelle. Or, en Suisse, les femmes sont victimes d’une véritable discrimination, comme le montre la dernière étude sur l’égalité salariale. De même, ce sont elles qui fournissent la plus grande partie du travail ménager et familial. Par conséquent, une discussion sur l’égalité de l’âge de la retraite ne peut être envisagée tant que les discriminations du monde du travail n’auront pas été éliminées.
- Egalité salariale : le principe constitutionnel de l’égalité salariale doit être respecté : les hommes et les femmes doivent percevoir un salaire égal pour un travail égal ou de valeur égale. En outre, ces deux objectifs doivent être liés afin que des progrès mesurables sur le plan de l’égalité salariale aient un impact sur l’âge de la retraite comme le propose le modèle Gächter/Fehr.
- Compatibilité entre travail et famille. Congé parental et places d’accueil : la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle et la garde d’enfants ou les soins à d’autres membres de la famille doit être possible pour les femmes comme pour les hommes. Cela implique l’introduction d’un congé parental de longue durée, rémunéré et reconnu comme temps de travail dans le contexte de la prévoyance vieillesse. Cela implique également une place d’accueil pré- et parascolaire pour chaque enfant. Les places d’accueil doivent être introduites à grande échelle et accessibles à tous les revenus.
En augmentant l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans, le Conseil fédéral réalise une économie d’1 milliard de francs par an. A défaut, cette réforme se traduira par une pure et simple mesure d’économie au détriment des femmes.
2. Les rentes de veuves
La nouvelle réglementation concernant les rentes de veuves pourrait être considérée comme juste dans le contexte social actuel. Les rentes actuelles ne seraient pasconcernées. Toutefois, les Femmes socialistes suisses refusent le relèvement des rentes de veuves sans mesures de compensation significatives et concrètes concernant les conditions cadres de conciliation des vies familiale et professionnelle. En outre, le terme « femmes sans enfants » inclut les femmes effectivement sans enfants, mais aussi les femmes avec des enfants adultes. De ce fait, une différenciation lexicale s’impose. De plus, nous attendons des mesures concrètes de lutte contre la pauvreté, avec la possibilité d’avoir des prestations complémentaires.
Avec cette nouvelle réglementation, le Conseil fédéral compte réaliser des économies de 100 millions de francs par an. Par conséquent, une discussion sur le relèvement des rentes de veuves ne peut être envisagée tant que les discriminations du monde du travail n’auront pas été éliminées.
3. Flexibilisation et perception de la retraite
La flexibilisation de la retraite est favorisée dans le projet, comme la retraite partielle permettant aux assuré-e-s de décider du moment de la perception de leur rente vieillesse, soit entre 62 et 70 ans, sous certaines conditions. La perception anticipée à des conditions privilégiées, avec des taux de réduction limités, serait possible pour les salarié-es qui ont cotisé à l’AVS depuis l’âge de 17 ans, qui ont travaillé durant les dix années avant de percevoir leurs rentes et dont le salaire ne dépasse pas 49 140 CHF. Le salaire du partenaire ou du conjoint ne devrait pas dépasser 100 000 francs.
Ces conditions sont tellement restrictives que seules 5000 personnes par an seraient concernées. Le coût de cette flexibilisation serait de 390 millions de francs.
Bien que l’approche soit juste, la limite de salaire minimum est trop restrictive et les économies réalisées grâce à l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes seraient entièrement utilisées pour couvrir les frais d’un versement anticipé. De plus, la prise en compte du salaire du partenaire ou du conjoint est tout à fait inédite dans le système des assurances sociales et n’est donc pas admissible.
4. La baisse du taux de conversion
Il n’y a aucune baisse possible du taux de conversion. Une baisse de 0.8% signifie pour les employés aux revenus modestes – dont une majorité de femmes – subissent des baisses de rente de 200.- par mois environ. En particulier, le peuple a très nettement refusé une baisse de 6,8 à 6,4%. Quant aux mesures d’accompagnement, elles sont insuffisantes. Si la fixation du montant de coordination en pourcentage est une bonne chose, car elle signifie une amélioration de la prévoyance pour les personnes à bas revenus, à temps partiel ou qui ont plusieurs employeurs, cela ne peut pas être qualifié de mesure de compensation pour l’abaissement du taux de conversion : cela coûte trop cher. Le nouvel échelonnement atténuant le surcoût de la prévoyance professionnelle pour les personnes âgées de plus de 55 ans par rapport aux 45-54 ans est approuvé.
5. Un financement supplémentaire
Un financement supplémentaire est nécessaire pour pallier l’effet « baby-boom » et pour garantir le montant des rentes (et éviter des pressions supplémentaires sur les rentier-e-s). On ne peut pas échapper à des moyens supplémentaires. En proposant un relèvement de la TVA (de 2 points de pourcentage au max.), le Conseil fédéral admet aussi que des moyens financiers supplémentaires sont nécessaires pour le 1er pilier. Le besoin de financement supplémentaire pour l’AVS est reconnu, comme le demande d’ailleurs l’initiative populaire fédérale « Imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre AVS (Réforme de la fiscalité successorale) » soutenue par le PS. Au surplus, s’il préférerait par ex. le relèvement des cotisations salariales, le PS ne peut pas refuser d’emblée un relèvement (proportionnel) de la TVA, d’une part parce que c’est un des moyens les plus réalistes d’obtenir un financement supplémentaire, et d’autre part, car il permet une solidarité intergénérationnelle.
L’harmonisation de l’âge de référence (augmentation de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans), constitue, avec l’adaptation des rentes de veuves, l’un des critères de mise en place du relèvement prévu de la TVA. Selon le rapport, ces mesures sont indissociables. Les Femmes socialistes suisses refusent catégoriquement que cet amalgame qui met inutilement les femmes sous pression et leur impose le poids de la réforme des retraites.
6. Mécanisme d’intervention
Le projet prévoit d’introduire un mécanisme d’intervention. Un premier seuil déclencherait un mandat politique dans le cas où le fonds de compensation AVS devait menacer de passer en dessous de 70% des dépenses annuelles pour qu’une solution soit recherchée dans le cadre du processus politique. Si les avoirs du fonds devaient passer en dessous de 70%, des mesures automatiques se déclencheraient (2e seuil), à savoir une augmentation des cotisations salariales (1pt max.) et la suspension de l’adaptation des rentes. La bureaucratisation de décisions politiques est refusée et, dans tous les cas, la remise en question de l'indice mixte et la suspension de l’adaptation des rentes sont rejetées ; il en va de même en ce qui concerne au désenchevêtrèrent (partiel) de la participation de la Confédération au financement de l’AVS (réduction de la contribution actuelle de la Confédération de 19,55% des dépenses annuelles à 10%, tandis que l’autre moitié suivra l’évolution des recettes de la TVA). Cette mesure est purement et simplement rejetée. En effet, il n’est pas cohérent de faire des économies avec l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes ainsi qu’avec les rentes des veuves pour que la Confédération puisse réduire sa contribution au financement de l’AVS.